Nom d'utilisateur : 
Mot de passe : 
Inscrivez vous Mot de passe oublié?

Inscription
 


Liste des Exportateurs
 
Secteurs
Exportateurs
Activités
 
 
 
     
    Présentation
 


« Entre le bleu du ciel et le bleu de la mer, entre les mamelons de sable qui rougissent aux premiers baisers du jour, s’étendent, comme une ville sous une housse blanche, des remparts qu’on dirait bâtis de la veille, des maisons qui semblent avoir les pieds dans les vagues, des tours, des créneaux, des dômes roses que surmonte le croissant… C’est Sfax. » 
                                                   Marius Bernard, 1893.

Les limites naturelles de la région sfaxienne correspondent à peu près à celles du gouvernorat du même nom, qui couvre 7545 km2 de superficie, soit 4,6 % de celle de la Tunisie, pour une population d’environ 917.000 habitants (2009), répartis entre 16 délégations et autant de communes, et représentant un peu moins de 10 % de la population tunisienne. Le nombre d’habitants en Tunisie est estimé à plus de 10400.000 habitants, avec un taux d'accroissement naturel de la population calculé à 1,19 % en 2008. Il s’agit d’une démographie qui se caractérise par une uniformité quasi totale aux points de vue culturel et religieux, et par la forte proportion de jeunes (jusqu’à l’âge de 29 ans), atteignant, en 2008, 53.5 % du total de la population (source :INS).

Le gouvernorat de Sfax représente l’un des 24 gouvernorats (wilaya) de la Tunisie, eux-mêmes divisés en délégations (moatamadiya), lesquelles sont réparties en secteurs (imada). Le découpage administratif et spatial du pays répond à des impératifs politiques et socioéconomiques et reflète une stratégie d’aménagement du territoire et de formation d’une trame urbaine couvrant tout le pays, pour une meilleure maîtrise de la croissance par les autorités concernées.

 Le régime politique tunisien est un régime républicain de type présidentiel .Le pouvoir exécutif est exercé par le président de la république, élu au suffrage universel, il est assisté par un 1er ministre. Le pouvoir exécutif revient à un parlement bicaméral, comprenant une Chambre des députés et une Chambre des conseillers, alors que le pouvoir judiciaire jouit d’une indépendance garantie par la constitution. La Tunisie est membre de plusieurs organisations internationales : ONU, UA, UMA, Ligue Arabe, UNESCO , ALESCO, ISISCO, FMI, FAO, OCI, OMS, OMT, OMPI…

Appartenant à la zone des basses steppes, la région de Sfax, située au centre-est de la Tunisie, sur un littoral de plus de 230 km, se caractérise par son relief bas et peu contrasté, formé de plaines basses et de vastes dépressions alluviales. Son climat semi aride, à faible pluviométrie, dépassant rarement les 200 mm, ne permet qu’une modeste couverture végétale de ses sols légers et de nature éolienne, mais favorise les cultures en sec, notamment celles de l’olivier et de l’amandier. Dans ce domaine, les paysans sfaxiens ont pu, au cours de plusieurs générations, accumuler un vaste savoir-faire.

Le paysage de l’arrière-pays sfaxien offre à contempler, à perte de vue, le déferlement harmonieux de ses oliviers plantés en lignes droites d’une parfaite rigueur. A la période de la cueillette, qui commence dès le mois d’octobre, les oliveraies sont alors en effervescence : hommes et femmes, dans l’allégresse, s’attellent à cueillir les fruits arrivés à maturité de cet arbre béni de Dieu. Plus loin, dès que l’on s’approche des zone urbaines, le paysage change ; ce sont alors des champs d’arbres fruitiers dont les amandiers qui, bien avant la fin de l’hiver, arborent la blancheur immaculée de leur fleurs.

Côté mer, au large de la rade sfaxienne, un archipel de rêve, celui des Kerkennah, déploie ses îles et îlots aux sites si pittoresques. Cet archipel a représenté, à travers sa tumultueuse histoire, une des stations les plus protégées du bassin méditerranéen, à cause des hauts fonds qui l’entourent de toute part. Son important port, à vocation commerciale et militaire, reliait les bassins et l'ouest de la Méditerranée. Les sources latines rapportent qu’à l’issue de la seconde guerre punique, en 2002 av. J.C., le général carthaginois Hannibal y fit halte avant de s’exiler en Orient. Les Iles Kerkennah sont en quelque sorte un raccourci des civilisations de la Méditerranée. Elles ont connu la présence humaine dès les âges de la pierre, mais à partir du VIIe siècle av J.C, ce seront les époques punique et surtout romaine qui furent les plus fécondes. Les fouilles archéologiques, en exhumant d’innombrables vestiges, ont confirmé les sources écrites quant à l’essor économique et culturel que ces îles ont connu, essor marqué par un épanouissement urbain ineffable que révèle l’existence de vastes quartiers d’habitation, de temples, d’installations hydrauliques et d’établissements économiques des plus florissants, particulièrement dans la cité de Cercina, capitale de l’archipel. Aux différentes époques islamiques, les îles Kerkennah jouèrent un rôle primordial dans le système défensif des côtes ifriqyennes, en témoigne l’imposante masse du fort appelé Borj al-hissar qui surplombe le site archéologique fouillé de Cercina. Mais l’archipel a vécu plusieurs périodes de troubles, surtout à l’époque ziride (XIe siècle), puis le sac et l’occupation par les Normands de Sicile au XIIe siècle ; il ne dut sa libération que grâce à l’intervention des Almohades.

 Plus tard, au XVIe siècle, Kerkennah subit les retombées de la lutte qui opposa Espagnols et Ottomans en Méditerranée. Pendant la lutte contre le colonialisme, Kerkennah fut le bastion du syndicalisme. Aujourd’hui, promu à un avenir qui se veut radieux, grâce notamment aux cultures irriguées et à un projet ambitieux de tourisme écologique, l’archipel vit une notoire renaissance. Il offre au regard des visiteurs, alors qu’ils sont encore à bord du ferry qui relie les îles au continent, dès qu’on s’y approche, l’impressionnante image de ses pêcheries fixes (charfiya), en haies de palmes, qui capturent un poisson (le spars) si prisé par les Sfaxiens.

La région de Sfax a certes connu aussi, à l’instar de tout le pays, la présence humaine depuis les époques les plus reculées de la préhistoire, mais très peu de traces nous sont parvenues de cette présence, contrairement aux importants vestiges laissés par les différentes civilisations qui se sont succédées en Tunisie.
De nombreuses cités ont fleuri dans ces contrées. Les cartes, itinéraires et textes de l’antiquité mentionnent la présence d’une ville nommée Taphrura, située au nord de la ville de Thaene, probablement à l’emplacement de l’actuelle ville de Sfax, disent certains historiens.
Mais cela n’a pu être confirmée par l’archéologie qui reste muette à ce sujet, car on n’en a trouvé aucune trace matérielle patente. Figurant dans les textes, le toponyme a été gravé dans la mémoire collective ; l’absence de certitude aidant, le mythe se substituera alors à la réalité. Un projet urbain de grande envergure est venu raviver le souvenir de cette cité mystérieuse et réconcilier la ville de Sfax avec la mer, par la dépollution de ses côtes et le remblaiement d’environ 400 ha gagnés sur la mer, après avoir, pendant plusieurs décennies, pâti du modèle économique adopté par les édiles de l’époque .
Située à une dizaine de km au sud de Sfax, sur la route de Gabès, Thaenae, autre cité antique, a connu un grand essor économique et urbain qui a atteint son apogée au milieu du IIIe siècle. Après une période de récession, due aux vicissitudes qui ont fortement affecté la province de l’Africa Romana, la Tunisie actuelle, Thaenae prospèrera durant le IVe siècle. Son enceinte encore visible, percées de deux portes, englobe une superficie de plus de 80 ha. Parmi les monuments de ce site, figurent plusieurs villas et un certain nombre d’ensembles thermaux dont le plus spectaculaire est sans doute le complexe dit Thermes des mois. A l’époque islamique, à partir du VIIe siècle, la cité fut progressivement abandonnée à l’avantage de la nouvelle cité, fondée au milieu du IXe siècle : Safāqis (Sfax).

Plus loin et toujours sur la route de Gabès, à environ 45 km, en aval de la route principale, surgit une impressionnante forteresse appelée Borj Yunga. De fondation byzantine et restauré à l’usage des Aghlabides, cet immense monument exhibe encore son enceinte en assez bon état de conservation, parmi les ruines en lesquels les historiens ont reconnu la cité antique de Macomades Minores, important centre religieux de l’époque romaine.

 

Au nord–est de la ville de Sfax, à environ 45 km, sur la côte et non loin du village de Botria, se dressent les vestiges d’une grande cité, qui s’étendent sur plus de 100 ha de superficie. Il s’agit d’Acholla, cité remarquable par ses établissements thermaux tel les thermes de Trajan, et par le nombre de ses opulentes villas comme la Maison de la langouste et celle appelée Maison du triomphe de Neptune. Station portuaire à caractère surtout commercial, ayant connu une grande prospérité au IIe siècle, Acholla a été vraisemblablement fondée à l’instigation de Carthage, par des colons maltais. C’est dire la vocation méditerranéenne plusieurs fois millénaire de la région sfaxienne, et son ouverture, dès l’antiquité, sur la mer.

 

La fondation de la ville de Sfax se situe à l’époque aghlabide, sous le règne du prince Ahmad Ibn Al-Aghlab, au milieu du IXe siècle, disent historiens et chroniqueurs, à partir d’un modeste hameau de pêcheurs, de paysans et autres commerçants, groupés autour d’un ribat (l’actuelle casbah). Grand bâtisseur, cet émir dépêcha le cadi Ali ben Salem, al-Bakri pour cette mission. Les remparts et la grande mosquée furent, semble-t-il, les premiers édifiés. La ville fut donc construite en surplomb de la mer, sur un site vraisemblablement vierge, une butte appelée, tel que rapporté par la mémoire collective, Jebel al-Nour. Il existe encore extra-muros un modeste mausolée portant le nom de Sidi Jebel al-Nour. Ce site quasi imprenable était protégé par une chaîne de fortifications qui jalonnaient la côte, soit de construction arabo-musulmane soit d’époque byzantine et réaffectées : Ksar Ziad ; Borj Gzal ( Nadhour Sidi Mansour), Borj Yunga...

Probablement les mieux conservés dans le monde arabo-berbère, les remparts de Sfax, construits d’abord en briques, furent progressivement repris en pierre calcaire locale, au fil des restaurations. Les historiens s’accordent à dire que ce serait à cette muraille que l’on doit peut-être le toponyme de la ville, qui dériverait d’une racine trilittère berbère, SFK, qui signifierait protéger, entourer d’une enceinte. Sfax aurait été pour les autochtones de l’époque « la cité aux remparts ». Contemporaine de ces inexpugnables fortifications, la grande mosquée affiche l’élégante austérité de l’architecture ifriqyenne. Elle connut à l’époque ziride, aux Xe et XIe siècles, d’importantes transformations auxquelles on doit le magnifique agencement de sa façade orientale. Plus tard au XVIIIe siècle, à l’époque ottomane, elle fut agrandie à plusieurs reprises.

Sous la dynastie des Aghlabides, grands bâtisseurs, Sfax connut, comme le reste de l’Ifriqiya un essor remarquable marqué surtout par l’aménagement des souks couverts ou à ciel ouvert, des césarées, et par des travaux d’hydraulique. La pénurie endémique en eau qui sévissait dans la région sfaxienne a entraîné, dès sa fondation, à doter la ville, à l’instar de Kairouan la capitale de l’époque, d’installations hydrauliques d’envergure pour l’alimenter en eau potable. Deux ensembles constituent aujourd’hui des sites archéologiques urbains aménagés : l’un est situé aux pieds des remparts du côté nord-ouest, l’autre a été intégré au parc vert de Sfax al- Jadida, le Nouveau Sfax. Ces monuments historiques sont formés de trois organes : un premier bassin circulaire de décantation, relié par un canal de jonction à un second plus grand, de même forme, en guise de réservoir, communiquant par une baie avec la citerne voûtée de puisage. Les bassins ou fesqiya dans le langage vernaculaire, sont alimentés par les eaux pluviales, canalisées, tel que rapporte la mémoire collective, par oued el Qanater, situé en amont de la ville.

Les géographes et chroniqueurs arabes de l’époque ne tarissent pas d’éloges pour cette cité si prospère, dont les souks, très animés, rivalisaient avec ceux de Kairouan. Le chroniqueur El Bekri qui vécut au XIe siècle, nous parle de ses manufactures de tissage qui produisaient des draps aussi soignés que ceux d’Alexandrie, et autres tissus qui s’exportaient par terre et par mer. Les lettres et les sciences surtout religieuses ne furent pas en reste. Abou al-Hassan Ali al-Lakhmi, grand théologien, dispensait à cette époque son enseignement à la médersa qui portait son nom (aujourd’hui Mosquée al-Driba). Mais Sfax et sa région n’ont pu être épargnées par les aléas et les tribulations de l’histoire. Elle connut, suite aux coups de boutoir portés, à partir du milieu du XIe siècle, par les invasions hilaliennes aux émirs zirides, et à l’affaiblissement conséquent du pouvoir central, une éphémère autonomie sous la férule de Hammou Ben Malil, un proche des Zirides Sanhaja. Cet homme entreprit malgré tout de réorganiser la ville et d’y réaliser plusieurs travaux édilitaires. Au cours de la première moitié du XIIe siècle, profitant des troubles vécus par l’Ifriqiya entière, les Normands de Sicile enlevèrent une à une les villes de la côte dont Sfax. Mais très vite, la population se souleva et bouta dehors les envahisseurs, entraînant dans son sillage les autres villes occupées. Ce glorieux épisode de l’histoire locale affabulée, fut à jamais tatoué dans la mémoire collective des Sfaxiens, sous le nom énigmatique de hajouja. Sous les Hafsides, à partir du XIIIe siècle, Sfax connaîtra une longue période de prospérité et de développement urbain et économique, cependant interrompue par un court intermède qui ne dura que neuf ans. Au milieu du XIVe siècle, Sfax tomba aux mains des Banou Makki, souverains de Gabès, cité état en pleine expansion, où ils tenaient une brillante cour.

Les souverains hafsides entreprirent à Sfax de grands travaux urbains que des inscriptions lithiques ont pérennisé. On leur doit l’aménagement des deux portes de la ville, Bab-Jebli au nord et Bab-Diwan au sud, et l’édification, au nord des remparts, d’un ensemble prestigieux de citernes au nombre des jours de l’année, appelé Nassiriya, du nom du sultan An- Nasser.

 Au XVIe siècle, Sfax va vivre une période de troubles, engendrés par le duel hispano-turc en Méditerranée, qui sonna le glas de la dynastie hafside. Au siècle suivant, sous le règne des Mouradites, dynastie d’origine turque, apparurent les prémices d’un redressement général qui s’accentuera un siècle plus tard, grâce au développement du commerce maritime avec les pays du Levant. Une famille sfaxienne a efficacement contribué à cet essor. Ali ben Ahmad al-Charfi appartient à cette famille d’armateurs et de savants qui se sont spécialisés, pendant huit ou neuf générations, dans la cartographie. Héritiers des géographes arabes, notamment Al-Idrissi, ils établirent, après avoir assimilé les connaissances grecques et latines en la matière, cartes et mappemondes, aujourd’hui conservées dans les bibliothèques d’Europe. Ali ben Ahmad al -Charfi est l’auteur d’un portulan daté de 1551 ; il s’agit d’un atlas qui comprend plusieurs cartes dont celles de plusieurs contrées de la Méditerranée et de la Mer Noire. Ces documents exceptionnels comportent des informations sur les côtes, les ports et la mer. Considérées comme un apport important au savoir universel, de telles cartes servaient assurément à la navigation commerciale et confirmaient la vocation maritime de la ville de Sfax.

Autre figure emblématique de Sfax : le cheikh Ali Nouri. Né en 1643, il fit des études de théologie et de sciences, successivement à Sfax, à Tunis et en Egypte. De retour à sa ville natale, muni de ses diplômes et licences, il fonda la zaouïa qui porta son nom. Il s’agissait en fait d’une médersa où l’on dispensait les enseignements de l’époque mais dont le rayonnement dépassa les frontières de la région sfaxienne. Le cheikh Ali Nouri, théologien et fin lettré, se distingua par la diversité de ses activités, puisque, en plus de ses charges éducatives, il était artisan tisserand ; mais dans la mémoire collective des Sfaxiens, son nom reste lié à la mer. Les historiens affiement qu’il pratiquait la course et que sous sa conduite, la ville fut dotée d’une flottille en prévision des attaques des Chrétiens, notamment les Chevaliers de Malte. Il décéda en1705. S’il est un saint patron de la ville de Sfax, il ne pourra être que le cheikh Ali Nouri. Paradoxalement, il ne possède pas de mausolée, puisqu’il fut enterré selon sa volonté, semble-t-il, dans le plus modeste appareil, à l’extérieur des remparts. Sa tombe, rénovée, jouxte le siège régional de la Banque Centrale de Tunisie, à Sfax Al-Jadida.

En juillet 1881, quand l’armada française jeta l’ancre au large de la ville fortifiée et de son faubourg sud, les habitants de Sfax et de son arrière-pays, fidèles à leur tradition, défendirent âprement leur cité malgré les modestes moyens dont ils disposaient, n’ayant à opposer aux colonisateurs qu’un armement précaire et leur courage. Cheikh Charfi et Mohamad Kammoun dirigèrent la résistance de l’intérieur des remparts et Ali ben Khalifa, caïd des Naffet, menait ses cavaliers dans l’arrière-pays. Après une résistance urbaine acharnée, la médina de Sfax, cette cité de fondation médiévale, tomba entre les mains de l’ennemi.

 L’urbanisme de la médina se caractérise par un maillage quasi régulier, par sa centralité toujours actuelle et sa hiérarchie aujourd’hui tombée en désuétude. Le centre de la cité étant la grande mosquée, à la fois lieu de culte, de culture et de sociabilité, autour duquel s’ordonnai ent selon une répartition ségrégative hiérarchisée quartiers résidentiels et quartiers économiques (commerce et artisanat). Souvent confondus dans un même espace, les métiers et les commerces étaient groupés par affinité professionnelle corporative en des souks linéaires, parfois couverts en voûte ou organisés en césarées, les moins nuisants étant les plus proches de la grande mosquée. Loin d’être spontané ou anarchique, il s’agit bel et bien d’un urbanisme pensé, voire sophistiqué.

 La médina de Sfax est aussi un haut lieu de l’architecture : architecture des monuments historiques au charme discret, qui s’inscrit dans la pure tradition ifriqyenne (la grande mosquée), architecture d’habitat qui relève du conte merveilleux. Cette architecture dite traditionnelle émane de connaissances empiriques accumulées et d’un savoir-faire transmis, ayant abouti à l’élaboration de modèles à caractère normatif. La tradition signifie dans ce cas une discipline régulatrice qui confère à l’architecture un vocabulaire commun que ne différencient que les variations et les ajustements individuels. Il s’agit d’une architecture toujours dense de ses qualités, mais souvent menacée par les processus de transformations induits par les changements d’usage et de forme et par la modification des ouvertures et des textures. Mais ne dit-on pas que la réhabilitation prépare les monuments à de nouvelles affectations, en harmonie avec l’évolution socio-économique et culturelle ?

En dépit des transformations qui l’affectent de façon inéluctable, la médina conserve sa valeur de référence. Beaucoup plus, ce sont ces transformations mêmes, conjuguées aux efforts de conservation, qui ne cessent de la réinventer en tant que patrimoine vivant. Delà vient le paradoxe, car le patrimoine, souvent considéré sous son aspect statique réfractaire au changement, est vécu dans la dynamique des réalités socioculturelles et du changement. Si l’équilibre traditionnel est rompu, un autre prend la relève, qui tient compte de l’urbanisation de l’ensemble de la ville. C’est cela la médina de Sfax : un noyau historique, mais sans cesse mis à jour ; un espace de mémoire, mais une mémoire constamment renouvelée, une mémoire collective qui se veut paradoxalement prospective, car elle ne peut être que conciliatrice entre passé et présent, ayant de tout temps vécu en harmonie avec son environnement urbain.

Jadis, dès la fin du printemps, quand les amandiers en fleurs changent de parure et que leurs fruits viennent à mûrir, les Sfaxiens quittent la moiteur et l’encombrement de la médina et partent s’installer jusqu’aux premières pluies de l’automne (ghasselet en-nwader), dans les jnènes à l’intérieur des borjs, pour profiter de la fraîcheur de la campagne et cueillir les fruits des vergers. Habitat épars de banlieue, ces jnènes servaient, en majorité, de résidences estivales pour les habitants de la médina. Le borj de la première génération, apparu semble-t-il au XVIIe siècle, est une habitation à étage, sans cour, présentant de l’extérieur une silhouette massive, sensiblement allégée par le dévers des murs où l’on remarque peu d’ouvertures, certainement pour des raisons de sécurité. Plus tard, ces habitations connaîtront des transformations inspirées de l’architecture médinale, notamment par l’adjonction de la cour, des portiques et des communs, et se transformeront en résidences permanentes. La zone des jnènes a constitué une réserve foncière pour l’extension de la ville et a fait l’objet d’une urbanisation plus ou moins maîtrisée.

 Déjà au XVIIe siècle, l’ouverture de la ville à la mer ainsi que l’accroissement démographique ont entraîné l’apparition du premier faubourg, Rbat el- Qibli, entouré de remparts à l’instar de la médina, et construit selon son modèle. C’est ce quartier qui sera ensuite dénommé quartier franc. La période coloniale fut marquée à son tour par l’érection d’une nouvelle entité urbaine, Bab-Bhar, qui prit la relève du faubourg, sur un espace pratiquement gagné sur la mer et dont l’architecture, tantôt arabisante, tantôt de style néo-classique, ou art nouveau, fait désormais partie du patrimoine de la ville dont le fleuron est sans contexte l’Hôtel de ville.

Avec l’indépendance, l’urbanisation gagna la zone des cimetières (Le Nouveau Sfax) et celle des vergers et des jnènes, initialement réservée à un habitat saisonnier épars ; on assista alors à l’érection, autour de la ville, de nombreux quartiers périurbains. Sfax al-Jadida est remarquable par la diversité de ses architectures qui se veulent modernistes. C’est là que les architectes prétendent prouver leur compétence en laissant libre cours à leur imagination débridée, sans être enchaînés par les contraintes des servitudes urbaines, pour plus de création et d’invention.

Grande cité tentaculaire, la ville de Sfax voit son rôle économique s’affermir, grâce au développement de l’agriculture, de la pêche, de l’industrie et des services, mais cela ne fut pas sans avoir des retombées néfastes sur l’environnement surtout maritime. Il faut attendre la première décennie des années 2000, pour assister à la réconciliation de la ville avec son environnement, particulièrement par la réalisation de ce projet urbain audacieux, à caractère écologique : Taparura. Sfax offre aujourd’hui l’image d’une métropole dont on dirait qu’une araignée en a laborieusement tissé la trame. C’est une ville en pleine effervescence, exubérante, qui affiche non sans ostentation la splendeur de sa vitalité, une ville au passé prestigieux, mais toujours vécu au présent, donnant à voir les signes patents de son histoire sédimentée et l’opulence d’un terroir longuement modelé par l’action de l’homme.

 A cet effort de développement urbain et socioéconomique, la participation active de nombreuses organisations, ainsi que celle d’un tissu associatif aussi prolifique que dynamique n’est pas étrangère. Une législation favorable aidant, plusieurs associations ont vu le jour, dont le nombre approche aujourd’hui des 800. Certaines sont à vocation caritative, d’autres sont à caractère culturel ou social. Le tissu associatif est considéré comme la pierre angulaire du projet civilisationnel de la Tunisie moderne. C’est pourquoi, partant d’une ferme conviction du rôle important que doivent jouer les composantes de la société civile dans la concrétisation des orientations nationales et l'impulsion de la marche de la modernité, du développement et du progrès dans le pays, des mesures ont été prises pour faciliter la création des associations notamment celles qui attirent les jeunes vers la diffusion de la culture numérique et l'économie immatérielle.

Le développement dynamique et rapide des affaires, du commerce, de l’industrie et des services, conjugué à l’essor continu de l’agriculture, a fait de la région sfaxienne, naturellement peu hospitalière, un territoire qui crée la richesse. Cela est évidemment imputable au travail de ses habitants qui ont su dompter une terre peu fertile et une région rude et revêche. .